Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les petits mondes de Plume
11 novembre 2023

Narbo Martius: le commerce fluvial au temps des romains - partie 2

On continu le voyage au temps des romains avec quelques blocs de pierre retraçant certains aspects du traffic, quelques amphores aussi.

Les bateaux qui accostaient à Narbo Martius sont connus grâce à des bas reliefs. Ces derniers ornaient des tombeaux de marchands et de naviculaires qui avaient tiré fortune du commerce maritime. Ils témoignent à travers l'imagerie symbolique du navire, de leur fierté d'appartenir à ce milieu.

Les types de navires utilisés pour le commerce étaient nombreux et ne sont toujours pas identifiés de nos jours. La forme et le mode de propulsion étaient souvent adaptés à un usage précis. Les navires les plus fréquent sont la corbita, navire de grande taille à coque ronde pratiquant la navigation en haute mer sur de longues distances; l'actuaria, de plus petite taille à propulsion mixte pratiquant le cabotage; l'horreia, petit bateau assurant la circulation et le transbordement des marchandises à l'intérieur du port ou sur un fleuve.

Maquette de l'épave de Mandirac

20231103_160358

Le navire découvert en 2012 remployé dans la jetée de Mandirac était une allège, c'est à dire une petite embarquation de 12m de long qui servait à circuler dans le port ou sur le fleuve, décharger les grands navires et transporter des marchandises sur de courtes distances. D'après les vestiges trouvés (présence d'un trou pour mât de halage à l'avant du bateau), il devait être le plus souvent hâlé par des hommes, notamment afin de remonter le cours du fleuve.

IMG_20230401_155538248

Bas relief représentant une poupe de navire

Ce fragment de bas relief représente la poupe d'un navire. On y distingue les éléments suivants: un ornement en forme de col de cygne, la tête tournée vers la droite et le bec dirigé vers le bas. En dessous figure probablement la plate-forme arrière du pont du navire réservée aux commandants, également appelée dunette. Signalons aussi la présence sur la partie inférieure de la coque d'un cordage d'ancre descendant dans l'eau de manière oblique. Il pourrait donc s'agir d'une scène de mise à l'eau.

20231103_160224

Bas relief représentant un navire en cours de chargement.

Le bloc représente une scène de chargement à quai d'un navire de commerce. A bord, un personnage tourné vers la droite semble réceptionner les marchandises que les saccarii(les dockers) lui apportent. Les deux silhouettes portent un ballot de marchandises difficiles à identifier. Ils s'apprêtent à charger le navire, à la voile repliée et aux rames très apparentes. L'étrave du bateau est parfaitement visible, tout comme sa cabine basse qui figure sur le pont à gauche du mât.

20231103_160320

Bas relief en deux parties représentant un navire.

Ces deux blocs raccordés représentent,  malgré leur état de conservation médiocre, un navire caractéristique du type Corbita. On distinguesur le bloc de gauche une sorte de roue avec ua dessus le départ d'un mât principal. A gauche, une ancre est accrochée au flanc du navire. Sur le bloc de droite, lapoupe se révèle assez haute, comme s'est souvent le cas pour les corbitae. L'ensemble fait plus de 1,50m de long: nous avons iciaffaire à la plus grande représentation de navire du corpus narbonnais.

20231103_160325

Bas relief au navire et buste d'une femme voilée.

Ce bloc figure un bateau à un seul mât, la voile carrée gonflée par le vent. Sa partie avant, la proue, est décorée d'un col de cygne surmonté d'une rambarde. Sur le côté on distingue peut être une ancre, usée, accrochée au flanc du navire. La coque est doublée de trois pièces de bois appelées préceintes qui la renforcent. On aperçoit près de la poupe des rames de gouvernail. Au dessus figure une tête voilée de profil, probablement une divinité protectrice.

20231103_160331

Narbo Martius, plaque tournante du commerce maritime romain.

Du 1er avant JC au 1er après JC, Narbo Martius est le point de redistribution des produits méditerranéens en Gaule. Ses débarcadères reçoivent en masse du vin et de la vaisselle italique. Au changement d'ère, les productions espagnoles sont également importées, tout comme les marchandises venues de l'Orient méditerranéen tels que les vins de Grèce.

Dès le 1er siècle après JC, les courants commerciaux s'inversent et le trafic maritime atteint son apogée à Narbo Martius ai IIè siècle après JC. Les marchands narbonnais exportent vers l'italie les vins gaulois ainsi que les céramiques produitent en Narbonnaise. Les navires de commerce transportent aussi des ressources locales:des matériaux de construction issus des carrières, des minerais extraits des Corbières et de la montagen noire, du blé et sans doute du sel produit dans la lagune. Narbo Martius devient également à cette période le principal port de transit de l'huile et des saumures venant du sud de la péninsule ibérique puis acheminées vers l'Italie et Ostoie, le port de Rome.

Voici trois amphores italiques à vin.

Les amphores italiques apparaissent en grande quantité dans la région dès le milieu du IIè siècle avant JC et sont attestées durant tout le 1er siècle avant JC. Produites essentiellement sur le littoral de la péninsule italique, ces amphores contiennent du vin et sont exportées par milliers dans tout le monde romain: la Gaule a sans doute été l'un des plus fros débouchés de cette production et Narbo Martius l'un des principaux points d'entrée.

20231103_161618

Amphore à saumure de Bétique. - 25 av JC - 100 ap JC

L'amphore contient les condiments les plus appréciés des romains: du garum et des salaisons. Le garum est une sauce faite de sang et d'entrailles de poissons macérés dans du sel. Son goût ressemble à celui de préparations encore consommées de nos jours comme le nuoc-mâm vietnamien. Les salaisons sont obtenues à partir de poissons entiers ou en morceaux conservés dans une saumure. La Bétique (sud de l'Espagne) d'ùu provient cette amphore était l'une des régions productrices de ces condiments consommés dans tout l'empire.

20231103_161702

Amphore vinaigre gauloise. 80-200 ap JC.

Cette amphore a été produite dans l'atelier retrouvé lors des fouilles d'Amphoralis à Sallèles-d'Aude qui se spécialise dans les années 50-60 dans la production de ce type de contenant. Du 1er siècle au IIIè siècle an JC. les amphores de type gauloise 4 sont les amphores de prédillection du grand commerce du vin gaulois. Ces amphores ont été exportées dans de nombreuses provinces de l'empire romain et au-delà: certaines ont été retrouvés en Afrique de l'est et même en inde du sud.

20231103_161722

Amphore africaine de type spatheion. Fin IVè - début Vè siècle ap JC.

L'amphore appelée spatheion en raison de sa forme (spatha en grec: épée), reconnaissable à son aspect fuselé, faisait partie du chargement de l'épave de Mandirac retrouvée à l'embouchure de l'Aude. Ce contenant produit en Afrique Romaine entre la fin du IVè et le début du Vè ap JC, servait à transporter du vin. Les spatheion africaines étaient durant cette période, largement diffusées dans tout l'empire romain.

20231103_161731

Amphore ce Chios. Fin 1er siècle av JC. - Début 1er siècle ap JC.

Cette amphore se distingue par sa forme originale: un col cylindrique élancé avec de longues anses de section ronde et une panse terminée par une pointe fine. Elle est originaire de l'île grecque de Chios. Elle contenait un vin de grande renommée. Plusieurs auteurs latins mentionnent en effet le vin de Chios comme l'un des plus grands crus pouvant rivaliser avec certains vins italiens. En France, ce type d'amphore est rarement attesté, la découverte de Malard est donc à ce titre exceptionnelle.

20231103_161739

Amphore à huile de Bétique. 110-150 ap JC.

Cette amphore de type Dressel 20E, produite dans le sud de la péninsule ibérique est destinée à transporter l'huile d'olives dont la province romaine de Bétique (actuelle Andalousie) a le quasi monopole de production, dès la deuxième moitié du 1er siècle et tout au long du IIè siècle ap JC. Elle a sûrement été façonnée dans l'un des nombreux ateliers situés sur les berges du fleuve Guadalquivir et de ses afluents. Elle a par la suite circulé jusqu'à Narbonne.

20231103_161748

" Leur port est Narbonne, dont il serait plus juste de dire qu'il est le port de la Gaule toute entière, tant il surpasse les autres par le nombre des entreprises auxquelles il sert de place de commerce" Strabon, géopgraphie 4,1,12.

Comme l'explique le géographe Strabon à l'époque d'Auguste, Narbo Martius concentre de nombreuses sociétés marchandes. Son dynamisme est porté par ces dernières, qui regroupent des armateurs appelés "naviculaires", dont le rôle est d'affréter des bateaux aux marchands.

Certains marchands vendent leurs produits localement pour leur compte ou celui de leur patron.D'autres sont liés au trafic maritime comme par exemple Marcus Fabius Gi qui achemine ses produits de Cordoue à Narbo Martius au début du 1er siècle.

Les plus importantes sociétés maritimes narbonnaises emploient des spécialistes de la navigation enhaute mer. Certaines de ces sociétés regroupées dans la corporation des naviculaires de Narbo Martius ont joué un rôle dans l'approvionnement de Rome: elles figurent parmi les représentants des principaux ports de l'Empire dans la mosaïque de la "place des corporations "d'Ostie.

Scène de remplissage d'une amphore. 1er siècle av JC -1er siècle ap JC.

IMG_20230401_161532203

Bas relief représentant 2 rangées de contenants superposées. 1er siècle ap JC.

IMG_20230401_161536890

Epitaphe de Philomusus marchand de fioles. Fin 1er siècle av JC.

L'épitaphe de Philomusus mentionne son métier, peu connu dans l'épigraphie romaine: ampullarius. Il produit et vend des ampullae, fioles ou petits vases à col étroit en verre ou en argile à usage domestique.Il se dit frugi, c'est-à-dire: honnête marchand. Ce qualificatif sert à célébrer la fierté professionnelle de l'artisan et à souligner ses compétences supérieures par rapport à ses confrères.

IMG_20230401_161727560

Stèle du marchand M.Fabius G. 1ère mmoitié du 1er siècle ap JC.

Cet affranchi se dit mercator Cordubensis: à la fois originaire de Cordoue et vendeurs de ses produits issus de cette cité. Il fait ainsi commerce de diverses marchandises etel que l'huile d'olive, le vin, les amphores, les lingots, produites dans cette région du sud de l'Espagne, particulièrement dynamique. Son activité marchande est principalement maritime: il a pu voguer sur le fleuve Gudalquivir jusqu'à Cadix, puis longer les côtes espagnoles et gauloises avant d'écouler sa cargaison à Narbonne.

IMG_20230401_161855434

Ainsi se termine ce voyage au temps du commerce romain. J'y ai fait des belles découvertes.

Narbonne est une ville chargé d'un passé historique riche; son sous sol n'a pas fini de nous livrer ses trésors secrets, comme cette nécropole découverte le long du canal de la Robine, lors de la construction d'un ensemble d'habitations. (chantier arrêter pour permettre les fouilles).

Quand à moi, je retournerai au musée pour me replonger dans la vie au temps des romains.

Publicité
Publicité
Commentaires
C
C'est magnifique , tant les photos que les explications. Merci merci . <br /> <br /> Tu entres pile dans mes recherches pour le nouveau roman de Karim , le voyage du thé vers le port d'Essaouira au temps des caravanes . Thé de Chine ou culture marocaine ? <br /> <br /> Les amphores sont superbes . Quelle richesse ce musée . <br /> <br /> Bises
Répondre
Les petits mondes de Plume
Publicité
Newsletter
Albums Photos
Archives
Publicité